Louis Hautecoeur. —
Histoire du Louvre : le Château, le
Palais, le Musée, des origines à nos jours (1200-l928). Edité par
l'Illustration, Paris.
" Cet ouvrage n'est pas seulement un livre d'art : l'auteur veut aussi montrer
les événements qui ont eu le Louvre pour cadre, événements qui expliquent
souvent les vicissitudes de l'histoire du monument lui-même. — Aussi ce volume
est à la fois remarquable par la richesse de
l'illustration, et l'abondance des documents, comme en témoigne une abondante
bibliographie. Des plans historiques, précis et clairs, une table
topographique, permettent au lecteur de suivre l'auteur dans le dédale des
bâtiments de ce qui fut château, puis palais, puis musée.
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« Palais du Louvre et des Tuileries (plan historique) » Publié dans Louis Hautecoeur, Histoire du Louvre. Le château, le palais, le musée des origines à nos jours (1200-1928), Paris,L’Illustration, s.p. |
Des reproductions de tableaux illustrent l'énumération, un peu aride parfois,
des transformations successives de l'édifice ; M. H. connaît admirablement
l'iconographie de son sujet, et a su utiliser des images contemporaines.
Pour érudit qu'il soit, l'auteur sait agrémenter son texte d'anecdotes qui
l'égaient, de petits détails pittoresques : il ne nous déplaît pas d'apprendre
qu'un lit valait sous Charles V, 3 sols 3/4 — ou qu'au XVIIIe siècle, les
élèves-artistes logés au Louvre, irrespectueux de leur demeure somptueuse,
perçaient les toits pour aller s'y promener.
L'auteur ne perd d'ailleurs jamais de vue l'histoire générale : pour lui, le
Louvre est le symbole de l'esprit de suite des Français : monument royal, il
n'a été achevé que sous la Seconde République et Napoléon III qui l'ont adapté.
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Louis Hautecœur, « Projet d’une salle de spectacle par N.-M. Potain (1763) », L’Architecture, t. XXXVII, n° 3, 10 février 1924, p. 34-35 |
L'histoire du Louvre est étroitement unie à celle de l'histoire de la France :
il est d'abord construit par Philippe-Auguste qui dresse cette « forteresse
sourcilleuse » au carrefour de quatre fiefs, pour défendre sa capitale :
château féodal, le Louvre bénéficie des essais architecturaux antérieurs.
Avec Charles V, la forteresse devient une habitation, le Louvre n'est plus
qu'une « résidence bien défendue », mais « aimable » Charles V aime la
somptuosité, et fait richement meubler son château, mais il mène une vie
simple, et son jardin n'est qu'un « jardin de curé ».
Abandonné au xv° siècle, le Louvre redevient un édifice vraiment royal avec
François 1er' : signe des temps nouveaux, celui-ci fait abattre la tour et
Pierre Lescot construit un ensemble décoratif et harmonieux. Le Louvre est lié
alors à tous les événements tragiques du XVIe siècle.
Les Bourbons sont dominés par le « grand dessein » : la réunion du Louvre aux
Tuileries ; Henri IV commence, Louis XIII voudrait et ne peut continuer. Louis
XIV pense bien plus à Versailles, mais Colbert veille à la vieille demeure
royale : il fait compléter le bâtiment de Lescot, et c'est lui
qui fait construire la colonnade.
Au XVIIIe siècle, nous assistons à « l'invasion » du Louvre : Académies
diverses, artistes y logent. Des baraques s'adossent aux murs, et même il est «
livré à la paperasse ». Cependant, dès cette époque, apparaît l'idée de musée
; sous Louis XV déjà les « salons » font fureur : l'origine, c'est
l'habitude d'exposer les œuvres des Académiciens dans le « Salon » du Palais.
Napoléon, pour en faire un gigantesque musée destiné à abriter les dépouilles
des palais d'Europe, reprend le grand dessein des rois, mais Percier et surtout
Fontaine ne peuvent aboutir : cependant ils dégagent le Louvre, aménagent des
salles, complètent la décoration, restaurent la colonnade.
Les régimes suivants accommodent le Louvre à leur goût : Louis XVIII et Charles
X sont préoccupés de rappeler dans la décoration la continuité de la monarchie.
Enfin, après 1850, le « grand dessein » est réalisé: Visconti, puis Lefuel en
sont les artisans. Soucieux de l'effet d'ensemble, Lefuel a sans doute
un peu trop sacrifié au goût ostentatoire de son temps, mais il a su achever
sans trop de disparate un édifice si souvent compromis dans son développement.
Ainsi, l'ancienne forteresse, le palais des Valois et des Bourbons, est devenu
le Musée de la Troisième République. Peu de monuments, certes, ont eu une
histoire aussi remplie, et cependant aussi continue. M. H. nous conduit avec,
une sûreté rare de 1200 à 1928; peut-être regrette-t-on parfois une
surabondance de détails : la précision touche à la minutie ; mais il faut reconnaître
que l'auteur ne s'égare jamais, et qu'il nous a donné un guide précieux pour
les visiteurs du Musée, un ouvrage
utile pour nos travaux pratiques, une histoire souvent pittoresque et des
textes originaux.
Madeleine Schnerb (Clermont-Ferrand).
Les illustrations sont issues de :
Antonio Brucculeri, « Architecture classique, émergence et vulgarisation d’une catégorie, ou les raisons d’une exposition et de son catalogue », in Antonio Brucculeri (dir.), Louis Hautecœur et la tradition classique, Paris, INHA (« Les catalogues d'exposition de l'INHA »), 2008, [En ligne], mis en ligne le 29 juillet 2011, consulté le 21 août 2016. URL : http://inha.revues.org/2928