samedi 13 août 2016

Voyage au Maroc 1961

Avec Robert, Madeleine rend visite à son fils Bernard qui est installé au Maroc (Sidi Rahal depuis 1959). Ils font un périple à travers l'Espagne du 10 mars au 8 avril 1961.
Elle en a rapporté "Impressions marocaines" dont je mets en ligne quelques extraits.






"Nous avions parcouru en deux jours le Sud de l’Andalousie et étions devenus familiers avec les paysages qui imprègnent la mémoire par leur masse : des plantations d’orangers sans fin… puis des déserts de pierres rougeâtres, incléments à la vie. Nous avions traversé ces villages blancs et si misérables, faits de maisons alignées, comprenant chacune une ou deux pièces et d’où sortaient des enfants – mendiants, guettant la voiture qui s’arrêtera peut-être et d’où  sortiront quelques piécettes ; nous étions habitués à voir sur le côté de la route les ânes à double bat ou les femmes chargées de poteries allant à la fontaine. Nous avions pris l’habitude d’être harcelés en ville par des mendiants plus ou moins camouflés en vendeurs de billets de loterie ou en « guides ». Nous avions vécu en « homme de la rue » à Almeria, à Malaga, et avions frôlé une misère abjecte. Aussi, le détroit traversé, nous ne fûmes pas dépaysés : l’Espagne est bien un commencement d’Afrique. Bien sûr d’un côté c’est le silence imposé par le catholicisme, c’est l’architecture de ces églises luxueuses et massives… de l’autre c’est l’islam, c’est la femme voilée… Mais ce n’est pas ici le propos de faire un parallèle entre les deux pays, mais de dire ce que nous avons ressenti en mettant le pied au Maroc : l’impression principale fut de non dépaysement.

Je crois que ce qui nous frappa à Tanger, rapidement traversé, c’est l’abondance, opposée à l’indigence ibérique, abondance des moindres boutiques, des restaurants. Si nous n’avions pas couru sur Tétuan et Uezan au lieu d’aller directement sur Rabat et Casablanca, nul doute que cette impression de richesse ne se soit renforcé. Mais parcourir la zone anciennement « espagnole » et à peine « indépendant » nous prolongeait le voyage ibérique : même technique des routes (nous en eûmes un échantillon plus que périlleux sur le tronçon de Chaouen ou Xauen, d’où nous ne savions si nous sortirions indemnes de crevaison ou de quelque autre incident technique. A un carrefour un policier nous fit un signe : c’était pour faciliter la tâche d’un autostoppeur !! Etions-nous encore de l’autre côté du détroit ?
La verdure du Maroc du Nord, la foule des paysans se suivant en lignes ininterrompues à dos d’ânes nous rappelaient que nous avions changé de continent, mais nous ne sentions pas réellement que l’Espagne était encore l’Europe.

Quand à Souk El Rba nous retrouvâmes les routes à la française, et même à la marocaine, aux bornes kilométriques massives, aux signalisations énormes (comme pour procurer une ombre projetée aux éternels nomades que sont les Marocains nous prîmes conscience plus clairement de ce qu’est un pays « colonisé » : des routes magnifiques qui conduisaient de villes superbes à villes superbes…. Et puis une population encore nomade, qui galopait le long de ces belles routes, qui guettait l’acheteur éventuel d’un poisson tendu à bout de bras, qui surgissait de partout (des fossés, des rochers, des bosquets, aussitôt que la voiture avait à s’arrêter, population placide, habituée à voir passer les bolides français ou marocains. Beaucoup de cyclistes…





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