dimanche 11 novembre 2012

Racontons l’histoire des ballons



Avec les petits

Racontons l’histoire des ballons



Un des plus anciens rêves des hommes a été de s'élever dans les airs : une légende grecque raconte l'aventure du célèbre Icare qui, muni d'ailes fixées au corps par de la cire, s'éleva si haut que les rayons du soleil firent fondre cette cire et le présomptueux fut précipité sur la terre ; ce mythe resta pendant longtemps comme le symbole des limites humaines.
Le moyen âge considérait comme une ambition démoniaque de vouloir s'élever au-dessus du sol : les sorcières chevauchaient des balais magiques et disparaissaient, telles des "weird sisters" de "Macbeth" aussi mystérieusement qu'elles étaient venues. Il n'est pas surprenant que Léonard de Vinci, qui chercha anxieusement la solution du problème, apparût comme inspiré par le diable en personne.
D'ailleurs, remarquons-le bien, personne ne songeait à s'élever à l'aide de ballons : on voulait copier les oiseaux, leur emprunter leurs ailes ; mais le manque de vitesse faisait échouer tous les plans. Ce n'est qu'au XVIIe siècle qu'on pensa à construire des appareils plus légers que l'air ; alors la science donnait des encouragements en ce sens, grâce aux premières expériences sur la pesanteur.

Le bateau volant de Laurenço

I- Avant les Montgolfières

Un père jésuite imagina sur le papier une sorte de vaisseau soulevé par des globes de métal, d'où l'air aurait été retiré ; mais il ne trouva pas un procédé pratique pour faire le vide dans ces globes. Un autre, ayant le pressentiment que les différentes couches de l'atmosphère n'ont pas le même poids, eut la candeur d'imaginer qu'une gigantesque arche de Noé, large comme la vigne d'Avignon, dépasserait dans sa partie supérieure la région où se forme la grêle et se souleverait pour ainsi dire d'elle-même.
La première invention sérieuse fut celle d'un moine brésilien, Laurent de Guzmao qui, au début du XVIIIe siècle, exécuta la première tentative publique d’aérostation ; mais il fut poursuivi comme sorcier et ses documents furent brûlés. Par contre, un autre moine, Bartolomeo Laurenço, fit beaucoup de publicité autour d'un vaisseau volant, qui ne prit jamais son vol, tandis qu'en France ou en Angleterre, on continuait des expériences plus ou moins heureuses de voitures à ailes, de cabriolets volants ou autres engins étranges et peu pratiques.

II- Les Montgolfières

 En 1776, on avait découvert l'hydrogène, quatorze fois plus léger que l'air, et que l'on appela d'abord, à cause de sa propriété la plus visible, "air inflammable". Mais les essais pour en gonfler des ballons se révélèrent d'abord infructueux, faute d'enveloppes assez imperméables, et les frères Montgolfier, fabricants de papier à Annonay, se résignèrent à utiliser l'air chaud.
C'est à Annonay, en effet, que le 5 juin 1783, devant toutes les autorités locales, les Montgolfier réussirent à faire monter un ballon, gonflé avec de l’air chaud provenant de la combustion de matières inflammables les plus diverses. Le ballon était naturellement ouvert à la base pour que l'air chaud, relativement léger, y pût pénétrer. Il réussit à rester en l'air dix minutes. Le bruit de cet exploit excita la curiosité des Parisiens qui, impatients, n'attendirent pas l'arrivée des frères Montgolfier pour avoir, eux aussi, leur expérimentation. Au milieu de l'enthousiasme de la foule, massée au Champ de Mars, les frères Robert et leur collaborateur Charles firent envoler un ballon de taffetas gommé qui alla s'affaisser à Gonesse (au nord de Paris), à la grande terreur des paysans ; ceux-ci accueillirent cet engin suspect à coups de fourche.


Cependant les Montgolfier, arrivés à Paris, préparèrent un ballon de 14 mètres de diamètre, en toile de coton grossier solide, peint en bleu et rehaussé d'or, qui s'éleva grâce à la combustion de 80 livres de paille et de 5 livres de laine, emportant une cage, où trois voyageurs prirent place : un mouton, un canard et un coq ; Montgolfier avait catégoriquement refusé à Pilâtre des Rosiers la permission de prendre la place des trois malheureux animaux. Le ballon était perdu d'avance, puisque l'air chaud n'était pas maintenu par un feu continu. Il fallait donc que le feu fût aussi du voyage. Des aéronautes, humains, cette fois, embarquèrent une provision de paille, à bord d'une nacelle, suspendue à un ballon fourni par le fabricant de papier Réveillon ; mais ils préparèrent leur expédition dans le plus grand secret, afin d'éviter la bousculade des badauds : le 21 novembre 1783, cette première "montgolfière" reçut le baptême de l'air ; Pilâtre des Roziers et le marquis d'Arlandes, du haut de la balustrade qui entourait l'orifice du ballon, saluaient la foule en délire, puis s'évertuèrent à brûler leur provision de paille pour entretenir l'air chaud. Après avoir survolé presque tout Paris, ils atterrirent sans autre dommage que la perte de la redingote de Pilâtre qui fut découpée par ses admirateurs.

III- Les aérostats à l'hydrogène

A peine née, la Montgolfière avait déjà un concurrent. Le physicien Charles, pris d'émulation, voulut utiliser l'hydrogène dans des ballons caoutchoutés, à soupape, et chargés de lest pour pouvoir modérer la chute. Un baromètre permettrait de se rendre compte de la hauteur de l'ascension.
Dès le 1er décembre 1783, Charles et Robert s'élevèrent aux Tuileries sous une sphère de soie à bandes rouges et jaunes, dans une nacelle en forme de char antique, et, après un voyage de deux heures et demie, escortés au sol par des cavaliers, terminèrent leur randonnée à Nesles, en Picardie.
Désormais montgolfières et aérostats multiplièrent leurs ascensions : les premières plus rudimentaires à meilleur marché, plus dangereuses tant pour les voyageurs que pour les récoltes qu’elles incendiaient souvent, furent bientôt réservées aux fêtes foraines, tandis que les ballons à hydrogène connaissaient un
succès croissant.


On avait trouvé le moyen de les gonfler à l'aide du gaz d'éclairage, fabriqué dans presque toutes les villes, à partir du milieu du XIXe siècle. On sait le rôle joué par les ballons pendant le siège de Paris ; ils étaient gonflés dans l'ancienne gare d'Orléans. Mais en même temps que ces aérostats rendaient d’inappréciables services, on déplorait de ne pouvoir les diriger. Il est vrai que lorsque le secret de la dirigeabilité fut trouvé, on ne renonça pas au ballon libre : c'est ainsi qu'un Suédois, nommé Andrée, fit en 1897 une expédition polaire, et son livre de bord, extrêmement curieux, ne fut découvert, par un baleinier, que trente-trois ans plus tard, en 1930, dans une île au large du Spitzberg.





IV- Les dirigeables

Cent ans après le premier envol d'une montgolfière, les savants et les techniciens se montraient encore sceptiques sur la possibilité de diriger les ballons. Cependant, les frères Montgolfier eux-mêmes y avaient déjà songé et avaient rêvé d'équiper leur machine avec des rames, ou bien lui donner la forme d'un poisson volant, muni de queue-gouvernail et de nageoires gonflées d'air. Un nommé Blanchard tenta une ascension dirigée, le 2 mars 1784 à Paris, et Guyton de Morveau, une autre à Dijon ; le 25 avril de la même année, le duc de Chartres s'éleva dans une machine à palettes. C'est avec un appareil analogue, mais plus perfectionné, que Dupuy de Lôme, bien plus tard en 1872, tenta de conduire son ballon, en produisant la propulsion à l'aide d'une hélice, mue par un treuil, lui-même actionné par huit hommes embarqués dans une nacelle d'osier.
Tous ces aérostats avaient tenu l'air plus ou moins longtemps, mais n'avaient pas été réellement dirigés. L'application du moteur à vapeur devait pourtant apporter la solution. Sous Louis-Philippe, le docteur Le Berrier l'avait pressenti ; Gifffart, en 1852, avait déjà construit un assez grand dirigeable de forme allongée. Toute la fin du XIX e siècle est marquée par les recherches des Français (les frères Tissandier) ou des Allemands (Wolfert en 1896) pour construire des dirigeables vraiment pratiques.


Avant la première guerre mondiale, deux noms s'imposèrent : en France, Santos-Dumont, venu du Brésil, et qui devait s'illustrer à bord des premiers avions, préconisait la construction de petits dirigeables ; il fit de très nombreuses expériences à partir de 1898 ; en Allemagne le Comte Zeppelin voulait au contraire de gigantesques dirigeables, capables de soulever d'énormes cabines, où salons et couchettes offriraient à de  riches passagers des traversées coûteuses, mais confortables : car le moteur permettait d'envisager des voyages outre-Atlantique et l'on était bien loin du jour où s'envolèrent un mouton, un canard et un coq. Mais si les moyens des hommes devenaient plus grands, les catastrophes devenaient plus spectaculaires : telle fut celle du Hindenburg en 1937. Les avions plus lourds que l'air semblaient devoir l'emporter sur l'aérostat géant.

Madeleine Schnerb


In L’information historique, n°3 mai-juillet 1946.p 99-102

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