mercredi 18 juillet 2012

A propos de Carcopino et des ses souvenirs de sept ans

Dans le même texte, Madeleine Schnerb reproduit un article qu'elle écrit pour l'Information historique en 1953.

Depuis que ces pages (analyse par Madeleine de la parution des travaux de  la commission d'enquête sur la défaite de 1940 en 1953) ont été écrites, un historien de grande classe qui a été un témoin et un acteur du drame, M. Jérôme CARCOPINO, a publié ses mémoires sous le titre : "Souvenirs de Sept ans".



Quelque part, M. CARCOPINO se fait l'avocat des gros livres. Il a raison. Ce qu'il écrit n'est jamais "long" car c'est toujours passionnant. Sa personnalité attachante, son talent de narrateur, tout contribue à empoigner le lecteur, même lorsque celui-ci "serre les poings". Le témoignage d'un ministre de Vichy aussi perspicace apporte des retouches précieuses aux portrait des quelques grands protagonistes du drame : Mussolini (p.84 sqq.), le roi d'Italie (p. 85 sqq.),Pétain (pp. 309, 626, 631), Laval (p. 140), Darlan (pp. 301, 539-545, 547-553), Abel Bonnard (p. 136). Et comme M. CARCOPINO ne voile pas ses sentiments, sa sincérité ne donne que plus de relief à la touche. Par ailleurs ce professeur connaît si bien son monde universitaire que tous ses collègues trouveront plaisir à glaner au hasard ses réflexions sur Louis Halphen (p. 300), Marc Bloch (p. 300), Jardillier (p. 355), Bernard Fay (PP. 340 et 458), Ancel (pp. 364 et 475), Maublanc (p.235), Jean Zay (pp. 92-93), Montel (pp. 253 et 262), Delpech (p. 425), Mathiez ( p. 397), Lucien Herr (p. 188) etc.
Enfin tous les anciens étudiants de M. CARCOPINO le reconnaîtront, lui, du commencement à la fin du livre, et ce n'est pas un des moindres charmes de cet ouvrage : on y retrouve en effet l'homme souriant et bon père de famille, l'ami fidèle prêt à rendre service, et surtout l'historien de Rome qui se plaît aux rapprochements subtils et aux exégèses étendues.
Précisément, et en restant fidèle aux enseignements de M. CARCOPINO lui-même, on peut se permettre aussi quelques rapprochements. Ainsi M. CARCOPINO se félicite, en tant que Recteur de Paris (Recteur provisoire), d'avoir obtenu des autorités occupantes au prix de maintes démarches la réouverture de l'Université de Paris, le 20 décembre 1940. Or nous sommes quelques-uns à nous rappeler que ce même 20 décembre les professeurs juifs, à quelques exceptions près, faisaient leur "dernière classe". Coïncidence ? En tout cas l'historien se doit de se le demander.
Ailleurs, M. CARCOPINO laisse entendre que dans le pays du Code Civil l'occupant n'avait aucun moyen juridique de découvrir les Juifs; mais M. Abetz qui était, M. CARCOPINO le souligne, un diplomate souverainement machiavélique, sut trouver pour la France la méthode convenable : par l'intermédiaire d'honnêtes gens on fit appel à la "probité intellectuelle de notre corps" (p.247). De surcroît, n'y a -t-il pas contradiction entre l'anathème que jette le ministre de Vichy à ceux des Francs-Maçons, qui ont menti, et le brevet de patriotisme décerné aux Français qui cherchèrent à "berner l'occupant" (p.433)?
Enfin, peut-il être permis de rappeler à l'auteur de magistrales et inoubliables leçons sur Rome et Carthage que les concessions apparemment arrachées au représentant d'Hitler en France étaient probablement  accordées pour mieux écraser les Français après les avoir dissociés, et que le ministre de Vichy n'est sans doute pas une exception d'avoir fait figure, selon ses propres mots, de "dupeur dupé (p 444) ? "

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