lundi 16 juillet 2012

Juive et professeur en octobre 1940

Revenu en Auvergne depuis la rentrée d'octobre 1939 du fait du contexte de guerre, au lendemain de la défaite et de l'installation du régime de Vichy, le couple Schnerb demande à ne pas reprendre leurs postes parisiens.

p 131-132 - Pendant la « drôle de guerre » déjà, au lycée Blaise-Pascal où elle (Madeleine) avait été nommée, elle avait ressenti une atmosphère lourde qu’elle avait alors expliquée par une forme d’envie à son égard ; cette explication lui vient naturellement du fait de la fierté qu’elle a – même si elle s’en défend – d’être agrégée et l’épouse de Robert Schnerb, ce qui peut à son sens susciter des jalousies. Un jour, sur le tableau d’une classe de troisième, elle a trouvé l’inscription : « Schnerb… Juive ». Elle dit avoir gardé cet affront pour elle [...]

p 128 - Cependant, leur demande est finalement agréée ; rester en Auvergne assure malgré tout la sécurité. Mais la nomination intervient alors que le premier statut des Juifs du 3 octobre 1940 vient d’être édicté, ce qui remet ce fragile nouvel équilibre immédiatement en question.
La rentrée n’a pas encore eu lieu à ce moment. La désorganisation est grande. Le 18 octobre, c’est la date de publication au Journal officiel du statut qui leur retire le droit d’enseigner. C’est aussi l’anniversaire de Madeleine : elle a quarante ans. Or, Robert et Madeleine ne savent pas encore s’ils ont été effectivement nommés à Clermont.
Alors que les enfants sont déjà rentrés à l’école, Robert comprend qu’être juif en zone libre devient presqu’aussi difficile qu’en zone occupée : aussi estime-t-il que la meilleure solution est de se mettre immédiatement à la retraite, l’article 7 du statut disant que « les fonctionnaires juifs visés aux articles 2 et 3 cesseront d’exercer leurs fonctions dans les deux mois qui suivront la promulgation de la présente loi. Ils seront admis à faire valoir leurs droits à la retraite s’ils remplissent les conditions de durée de service ; à une retraite proportionnelle s’ils ont au moins quinze ans de service ; ceux ne pouvant exciper d’aucune de ces conditions recevront leur traitement pendant une durée qui sera fixée, pour chaque catégorie, par un règlement d’administration publique ».


"Robert Schnerb, un historien dans le siècle, 1900-1962, une vie autour d'une thèse", L'Harmattan.

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