mardi 16 août 2016

Voyage au Maroc 1961 - 4

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L’urbanisme est une autre illustration de cette juxtaposition brutale. Toutes les villes marocaines sont faites de de deux villes plus ou moins éloignées : la Médina – et la Mellah qui la flanque – la ville européenne où une large Avenue de la république a été baptisé en Av. Mohammed V.

C’est à Marrakech où peut-être le heurt entre les deux genres d’urbanisme est le moins brutal car l’Av. Moh V semble l’allée triomphale qui conduit à la Koutoubia. Mais cependant la Medina reste un monde à part, un monde fermé alors que la ville européenne est par-dessus tout une ville ouverte tracée pour s’ouvrir toute grande à la circulation automobile.

Meknès est au contraire une des villes où les distances entre les deux cités est la plus marquée. Aussi la Medina est-elle bordée d’une rue européenne qui a dû être le quartier résidentiel des premiers occupants avant que l’autre côté de la colline ait été bâti. Si nous avons vu Marrakech avec une Médina grouillante d’un peuple affairé, nous avons vu Meknès Medina comme vidée de sa substance, puisque toute la Médina était sortie pour voir Tito passer !! Nous pouvions ainsi imaginer ce que ce serait que la sortie de la Medina à l’assaut du quartier européen ! Plus que des discours cette vision peut donner l’idée de la « Peur » qui peut dresser les deux mondes l’un contre l’autre ! et maintenant au Maroc les hommes de la Sécurité Nationale en bel uniforme rentrent chez eux le service fini, ….. en Medina ! On comprend que les Français prennent peur, parfois ! Ainsi peu à peu les Marocains s’installent dans les magasins et les immeubles neufs. Ils se peut que parfois la baignoire serve à la culture de la menthe !!! Argument enfantin qui ne peut empêcher le mouvement annoncé.
Comme il ne m’appartient pas de décrire les villes marocaines, (d’autres l’ont fait) je veux précisément tâcher d’évoquer Sidi Rahal, parce que c’est une cité en création… qui avortera peut-être, mais qui peut nous aider à imaginer ce que furent Marrakech, Meknès ou Fez il y a cinquante ans.

Sidi Rahal tire son nom d’un Saint : aussi la cité est-elle dominée par un ensemble de sanctuaires, lieux anciens de pèlerinage, sur une sorte de butte témoin au-dessus de l’oued. Là aussi est le cimetière juif.
C’est en contre bas de la colline que se tient le souk, tous les jeudis, souk en plein air, très animé où une foule de Marocains s’agite autour de poteries, des articles de quincaillerie, des légumes, de la viande (vérifiée maintenant par le Service sanitaire, et pendue sous des abris récemment rendus obligatoires !!). Au-delà habitent les Marocains, dans des maisons-tanières, collées les unes contre les autres, et où les Européens ne se montrent guère, maisons qu’on distingue mal du paysage.
C’est dans la plaine à 1 km environ de là que le « Jeune Maroc » à l’instar des Français a planté sa cité administrative et enseignante, au-delà du Palais du Palais du caïd ancienne résidence féodale.
Ce Palais du Caïd, gardé (image 1026) par des Mogarzis (Moghazni ?), a fière allure et ressemble à tous les palais marocains : fortifications extérieures, beau jardin, mosaïques, beaux plafonds en bois. Le bureau des PTT s’y abrite. Dans une aile le Caïd a prêté une belle salle pour le foyer culturel.

Non loin de là un ancien palais du khalifat a été la première école de Sidi Rahal et est maintenant l’internat, outillé à la française, convenable : que d’écoles françaises occupent elles aussi d’anciens châteaux, aussi mal adaptés à ce petit univers concentrationnaire qui est un internat. Bernard l’a décrit de plume allègre lorsqu’il y enseignait. Maintenant les classes sont toutes installées dans des bâtiments neufs sans caractère mis au milieu d’un large espace, car les futures avenues sont encore terrains vagues. C’est de part et d’autre de ces futures artères que sont disséminées les villas occupées par le personnel administratif, médical (l’infirmerie), enseignant, villas de style méditerranéen commodes et banales : toutes ces maisons sont données en fonction des droits ou des occupations et sans discrimination de race ou d’origine."


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