Avec Robert, Madeleine rend visite à son fils Bernard qui est installé au Maroc (Sidi Rahal depuis 1959). Ils font un périple à travers l'Espagne du 10 mars au 8 avril 1961.
Elle en a rapporté "Impressions marocaines" dont je mets en ligne quelques extraits.
Elle en a rapporté "Impressions marocaines" dont je mets en ligne quelques extraits.
"Nous avions parcouru en deux jours le Sud de l’Andalousie et
étions devenus familiers avec les paysages qui imprègnent la mémoire par leur
masse : des plantations d’orangers sans fin… puis des déserts de pierres
rougeâtres, incléments à la vie. Nous avions traversé ces villages blancs et si
misérables, faits de maisons alignées, comprenant chacune une ou deux pièces et
d’où sortaient des enfants – mendiants, guettant la voiture qui s’arrêtera
peut-être et d’où sortiront quelques piécettes ;
nous étions habitués à voir sur le côté de la route les ânes à double bat ou
les femmes chargées de poteries allant à la fontaine. Nous avions pris
l’habitude d’être harcelés en ville par des mendiants plus ou moins camouflés
en vendeurs de billets de loterie ou en « guides ». Nous avions vécu
en « homme de la rue » à Almeria, à Malaga, et avions frôlé une
misère abjecte. Aussi, le détroit traversé, nous ne fûmes pas dépaysés :
l’Espagne est bien un commencement d’Afrique. Bien sûr d’un côté c’est le
silence imposé par le catholicisme, c’est l’architecture de ces églises
luxueuses et massives… de l’autre c’est l’islam, c’est la femme voilée… Mais ce
n’est pas ici le propos de faire un parallèle entre les deux pays, mais de dire
ce que nous avons ressenti en mettant le pied au Maroc : l’impression
principale fut de non dépaysement.
Je crois que ce qui nous frappa à Tanger, rapidement
traversé, c’est l’abondance, opposée à l’indigence ibérique, abondance des
moindres boutiques, des restaurants. Si nous n’avions pas couru sur Tétuan et
Uezan au lieu d’aller directement sur Rabat et Casablanca, nul doute que cette
impression de richesse ne se soit renforcé. Mais parcourir la zone anciennement
« espagnole » et à peine « indépendant » nous prolongeait
le voyage ibérique : même technique des routes (nous en eûmes un
échantillon plus que périlleux sur le tronçon de Chaouen ou Xauen, d’où nous ne
savions si nous sortirions indemnes de crevaison ou de quelque autre incident
technique. A un carrefour un policier nous fit un signe : c’était pour
faciliter la tâche d’un autostoppeur !! Etions-nous encore de l’autre côté
du détroit ?
La verdure du Maroc du Nord, la foule des paysans se suivant
en lignes ininterrompues à dos d’ânes nous rappelaient que nous avions changé
de continent, mais nous ne sentions pas réellement que l’Espagne était encore
l’Europe.
Quand à Souk El Rba nous retrouvâmes les routes à la
française, et même à la marocaine, aux bornes kilométriques massives, aux
signalisations énormes (comme pour procurer une ombre projetée aux éternels
nomades que sont les Marocains nous prîmes conscience plus clairement de ce
qu’est un pays « colonisé » : des routes magnifiques qui
conduisaient de villes superbes à villes superbes…. Et puis une population
encore nomade, qui galopait le long de ces belles routes, qui guettait
l’acheteur éventuel d’un poisson tendu à bout de bras, qui surgissait de
partout (des fossés, des rochers, des bosquets, aussitôt que la voiture avait à
s’arrêter, population placide, habituée à voir passer les bolides français ou
marocains. Beaucoup de cyclistes…
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