mercredi 14 mars 2012

L'affaire de l'évêché

« L'affaire de l'évêché », - telle est la manière dont j'en ai entendu parler par ma grand-mère - ressemble à une cabale.

La Directrice poussée par l'évêque de Clermont qui sentait se développer un esprit trop laïc notamment dans les lycées, n'a pas hésité à accuser le jeune professeur de ne pas respecter les croyances des élèves et surtout de les influencer.
Yvonne Canque professeur de philosophie, de sensibilité communiste a aussi été mise en cause.
Enfin Robert Schnerb, qui fait également sa première année d'enseignement à Clermont-Ferrand subit le même assaut : il est accusé d'avoir attaqué le Syllabus. Il explique à ses parents, inquiets, que par le Syllabus le pape Pie IX condamne toute la société moderne. Son cours a simplement consisté à comparer de manière impartiale le Syllabus et la Déclaration des droits de l'homme. Il est persuadé que l'évêque cherche un prétexte pour attaquer les lycées qui développeraient une propagande anticléricale décourageant les vocations et incitant les familles à retirer leurs enfants du public. Madeleine, explique-t-il, a été visée après qu’une de ses élèves est allée se plaindre auprès de son confesseur.

Cinquante après, une ancienne élève et amie de Madeleine lui rappelle qu'elle avait été une des premières élèves interrogées par la directrice et conclut : « Quelle histoire et quelles passions déchaînées chez les adolescents que nous étions. Je n’ai heureusement jamais revu une telle cabale. »

Robert Schnerb porte le chapeau; il est en sortie scolaire avec la 2eC en février 1927


L'inspecteur général tranche l'affaire après une inspection. D'après Robert, il défendit la cause des professeurs incriminés et même : « la directrice s’est fait attraper pour n’avoir pas soutenu Madeleine et un autre professeur ».

Selon les rapports que les inspectés n'ont pas pu connaître, il juge positivement l'enseignement de Madeleine mais regrette que parfois « son entrain n’aille pas sans quelque vulgarité dans la tenue et le langage... » Ce qui « semble dénoter une nature un peu brouillonne, plus intelligente que judicieuse; ainsi s’expliquent sans doute certaines inadvertances de langage qui grossies sinon dénaturées ont occasionné des incidents tendancieux qu’on veut espérer passagers. »

Quant à Robert, qui fait une leçon en seconde sur la restauration et la seconde révolution anglaise, s'il est sérieux et distingué, si son savoir est étendu, son esprit pénétrant, si l'information qu'il fournit est sûre et précise, l'inspecteur considère qu'il lui reste encore à apprendre au plan professionnel car il lui manque encore le « tact pédagogique ».
Les « inadvertances de langage » risquant d'occasionner des incidents tendancieux, ici, le manque de « tact pédagogique» là, renvoient assez vraisemblablement à l'affaire.

Les convictions laïques des professeurs ont-ils provoqué la société bien-pensante de Clermont-Ferrand ?

L'affaire a néanmoins contribué à rapprocher Madeleine et Robert, tous deux nouveaux dans la ville et partageant de nombreux points communs.

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